Un Noël très Roosevelt

Un jour d'automne 1941, un groupe de notables de Calais, petit village du Maine, adressa une lettre au Président Roosevelt lui proposant un sapin de Noël de l'île Sainte-Croix pour décorer la Maison-Blanche. Parmi eux figuraient l'éminent historien Ned Lamb ainsi que les hommes d'affaires John Trimble et Arthur Unobskey, qui étaient bien loin de se douter des événements trépidants qui allaient s'ensuivre.

 
Historic photo of island shoreline with buildings and fence
Le phare de l'Île Sainte-Croix, années 1900

Archives NPS

.

 
Île Sainte-Croix gardien de phare et de la femme avec l'arbre de Noël pour le Président.
Le gardien du phare de Sainte-Croix et sa femme devant le sapin de Noël du Président Roosevelt.

Saint Croix Historical Society

(Traduit de l'anglais)

La Maison-Blanche, le 28 novembre 1941

Nous serions en effet très heureux d'avoir un sapin de Noël provenant de cette île près de Calais, dans le Maine. Nous aurions alors l'impression d'avoir quelque chose de « chez nous ». Comme vous le savez, cela fait cinquante ans que je fréquente la région du fleuve Sainte-Croix, jusqu'à Calais et au-delà, et j'en connais les moindres détours. À ce propos, j'en profite pour souligner que le site où de Monts et Champlain ont installé leur colonie n'a jamais été établi avec certitude. J'aimerais que vous réunissiez quelques membres de la Société historique du Maine, et peut-être aussi solliciter une Société historique du Nouveau-Brunswick, afin de déterminer ce point une fois pour toutes. Plusieurs îles, notamment celle qui constitue le port de Saint-Andrews, au Nouveau‑Brunswick, se targuent d'être l'heureuse élue. Pour autant que je sache, aucune fouille exhaustive n'a été entreprise pour exhumer des fondations, des objets en étain ou d'autres vestiges. Il doit bien en exister quelque part.

Je me réjouis à l'idée de recevoir un sapin venant du site où le premier Noël des côtes septentrionales des États-Unis a été célébré.

Veuillez recevoir, Messieurs, l'assurance de mes sentiments distingués,

Franklin D. Roosevelt

 
Roosevelt et famille devant l'arbre de Noël de Sainte-Croix en 1941.
Roosevelt et sa famille devant le sapin de Noël de Sainte-Croix en 1941

Saint Croix Historical Society

Ce n'est que début décembre que la réponse parvint à ses destinataires à Calais. On dut se dépêcher d'aller chercher un arbre. Il fallait en effet se rendre sur l'Île Sainte-Croix dont l'accès, à cette époque, n'était pas évident. Deux jours après Pearl Harbor, ils gagnèrent l'île et John Trimble coupa l'arbre. Dans un premier temps, le gardien et son épouse, Elson et Constance Small, hésitèrent car l'île comptait si peu de grands sapins. Finalement, ils décidèrent que le sacrifice se prêtait aux circonstances étant donné les événements survenus le 7 décembre 1941.

Constance Small, l'épouse du gardien, a décrit la journée où le sapin a été coupé, deux jours après Pearl Harbor : « Un jour de l'hiver 1941, le 9 décembre pour être plus précise, on repéra un signal à Red Beach : Elson devait aller chercher des visiteurs de l'autre côté de la rive. Là, il trouva deux hommes d'affaires de Calais, un certain M. John Trimble accompagné d'un M. Arthur Unobskey, ainsi qu'un photographe du State Publicity Bureau à Augusta. L'attaque de Pearl Harbor venait de se produire, marquant le début de la Seconde Guerre mondiale, et on avait décidé d'envoyer un sapin de Noël — un sapin qui avait poussé sur le site où Noël avait été célébré pour la première fois en Amérique du Nord — à la Maison-Blanche, à Washington, où le Président Roosevelt recevait M. Winston Churchill pour les fêtes. On choisit pour l'occasion un arbre magnifique, de près de six mètres de haut, l'un des derniers grands sapins de l'île. Si l'événement n'avait pas été historique, ça m'aurait fait bien de la peine qu'on l'abatte. », raconte Mme Small.

 
Winston Churchill et Franklin Roosevelt sont assis dans la Maison Blanche en 1941.
Winston Churchill et Franklin Roosevelt à la Maison-Blanche en 1941

Le sapin fut expédié au sénateur du Maine Owen Brewster et livré à la Maison-Blanche où on l'installa dans les appartements de la famille Roosevelt.

Peu après, Winston Churchill arriva à la Maison-Blanche pour discuter de la stratégie à adopter dans la guerre contre l'Allemagne et le Japon. C'est à cette occasion que Roosevelt et lui se mirent d'accord sur l'importance capitale de vaincre l'Allemagne avant de se tourner vers le Pacifique pour s'occuper des Japonais. À l'époque, cette décision suscita le mécontentement de la population et de l'armée des États-Unis. Aujourd'hui, avec le recul, on s'accorde néanmoins à dire que c'était la bonne. Peut-être a-t-elle été prise autour d'un bon cognac — voire plusieurs, en ce qui concerne M. Churchill — et devant le sapin fraîchement coupé arrivé de l'Île Sainte-Croix.

 
Le mari de Constance Small, Elson Small, trayant la vache de l'île Sainte-Croix, juste au-dessous de la maison du gardien.
Le mari de Constance Small, Elson Small, trait la vache de l'Île Sainte-Croix en contrebas du phare

Saint Croix Historical Society

Constance Small n'a pas connu la notoriété de Franklin Roosevelt ou de Winston Churchill, mais elle a vécu l'existence passionnante d'une femme de gardien de phare. Elle a d'ailleurs écrit un livre, The Lighthouse Keepers Wife (« L'épouse du gardien de phare »), paru en 1986 aux éditions University of Maine Press. Ses souvenirs de l'île Sainte-Croix et d'autres phares sont très intéressants.

Il est judicieux de souligner que Roosevelt ignorait que, en 1797, des archéologues avaient bien confirmé l'existence du site où Dugua de Monts avait établi sa colonie en 1604-1605, confirmation qui permit de mettre un terme au litige entre l'Amérique du Nord britannique et les États-Unis concernant leurs lignes frontalières.

Last updated: January 5, 2021

Park footer

Contact Info

Adresse postale:

P.O. Box 247
Calais, ME 04619

Téléphone:

207 454-3871

Contactez-nous